POURQUOI APPRÉCIONS-NOUS LA PEINTURE ABSTRAITE?
L’ART ET LA LA NATURE
L’Univers est fait de matière, il est un tout et rien n’est séparable. Une matière sans son environnement est tout simplement inimaginable.
Quand on essaye de séparer un corps du reste, ici, c’est la « figure », on se focalise forcément sur ce corps. L’art figuratif, c’est donc de se focaliser sur des choses sélectionnées, pas l’ensemble des choses.
Quand on se focalise sur l’ensemble des choses, on ne s’intéresse plus aux détails et on crée l’abstraction qui est déjà dans la nature comme la figure.
L’Homo sapiens est le fruit de la nature, nous ne sommes pas les fruits, par exemple, de l’invention de la roue, de la domestication du cheval ou de la révolution industrielle, etc. D’être le fruit de la nature, ça signifie que nous faisons partie de la nature, même si nous ne vivons plus dans des cavernes, ça ne change rien. Contrairement à tout ce que nous définie comme être-humain, l’art, ce n’est pas notre invention.

L’art est l’une des « inventions » de la nature ou plus exactement, de l’Univers. Ça signifie qu’à la base, il n’y a qu’un seul art et ce, celui de la nature, tout le reste – en ce qui concerne l’art, évidemment – est le résultat de ne pas avoir compris ceci, autrement dit, de l’orgueil humain qui se croit plus habile que la nature. L’Homme, en tant qu’artiste, il n’est pas un créateur, mais juste un imitateur.
Il n’y a pas de perception de l’art propre à chaque individu, la beauté (l’esthétique) est la beauté. Pour un animal, quelle que soit son espèce, la beauté d’une fleur, par exemple, a pratiquement la même valeur, d’une certaine manière, que la valeur de la beauté de sa congénère. Avant toutes autres choses que l’on lui égarement attribue, l’art est tout simplement la beauté dans tous les sens du terme.
LA NATURE DE L’ART ABSTRAIT
Une œuvre d’art abstrait qui est une toile vierge, d’une certaine manière, pour le spectateur, contrairement à une œuvre d’art figuratif, en principe, ne dicte rien. Il s’agit d’une liberté partagée entre l’artiste et le spectateur. De la part de l’artiste, l’art abstrait, c’est un acte libérateur vis-à-vis du spectateur. C’est amical et équitable.
Dessiner, c’est intuitif chez notre espèce. Il n’y a pratiquement rien à apprendre pour dessiner. Il n’y a pas de formation nécessaire pour dessiner avec de traces et/ou de couleurs qui sont fondamentales dans l’abstraction. Nous savons aujourd’hui que nous dessinons (en tant qu’Homo sapiens. À noter que l’art fait par l’espèce Homo remontre jusqu’au 500 000 ans) depuis au moins 57 000 ans. (Les gravures de la grotte de la Roche-Cotard ont été récemment datées à plus de 57 000 ans. Elles constituent à ce jour les plus anciennes preuves des réalisations artistiques de l’Homme de Néandertal, longtemps considéré comme « une brute épaisse ». National Geographic).

Au niveau académique, autrement dit, économique, on considère l’art figuratif comme la base de la peinture, globalement, des arts plastiques. Le but n’est rien d’autre que de créer des artistes conformes aux exigences de l’époque de l’art classique qui troublent malheureusement toujours le marché de l’art, c’est-à-dire, notre perception de l’art.
Donner un titre à une œuvre abstraite n’est pas seulement ridicule, c’est également une grosse erreur. Une œuvre d’art, c’est une œuvre d’art, elle peut parfaitement s’exprimer toute seule. D’ailleurs, chaque spectateur mérite d’être respecté pour son intelligence.
Quand je peins, je ne pense qu’à ma peinture, rien d’autre. Ce qui compte pour moi en ce moment, ce sont des formes et des couleurs, rien d’autre. Le fait de penser ou plutôt croire que l’abstraction, c’est l’abstraction de quelque chose, la déformation des figures et des objets, ça reflet aucune réalité, mais ça reflet apparemment un malentendu. En cherchant à donner une histoire, une émotion, une idée, etc à l’art abstrait, nous restons forcément dans la figuration.
La nature, c’est-à-dire, le ciel, le paysage, la végétation, etc est une abstraction et ce n’est pas l’abstraction de quelque chose, c’est juste l’abstraction avec le mouvement des formes et des couleurs. Cette abstraction, elle-même est une identité qui est propre à elle.
Il est bien possible que l’on voie ce que l’on veut voir dans une œuvre abstraite tout comme on peut voir (la paréidolie) n’importe quelle chose un peu partout. Évidemment, ça peut être une émotion ou autre chose. Pourtant c’est bien le cas pratiquement dans toutes sortes d’image et/ou de situation. Nous sommes souvent subjectifs et nous avons tout le temps des histoires dans l’esprit. L’être humain, Homo sapiens est un ensemble des histoires (en particulier, après notre passage au sédentarisme). Dans la peinture figurative, il y a aussi toujours une histoire, d’une certaine manière, c’est même une obligation, par contre, chercher à trouver une histoire dans la peinture abstraite, c’est la preuve soit d’être sous l’influence de la figuration, soit de ne pas avoir bien compris l’abstraction. Je vous rappelle que nous avons attribué des histoires, donc des identités même à des étoiles qui n’existent apparemment plus depuis des millions d’années.
Une abstraction n’a pas du tout besoin d’identification. Une fleur, qui est une abstraction, d’une certaine manière, n’est pas obligée d’évoquer une autre chose qu’elle-même.
Nous n’apprécions pas la peinture abstraite c‘est parce qu’elle nous évoque d’autre chose, mais c’est juste qu’elle est dans notre nature.
Si l’abstraction fait partie de nous, c’est-à-dire qu’elle fait partie de la nature tout comme nous, donc nous ne sommes plus dans le domaine de l’art, mais bel et bien dans le domaine de la science. Et il n’y a pas de place pour des points de vue ou des convictions dans la science.
L’art abstrait, tout simplement, ce n’est pas l’art figuratif. Quand on regarde un paysage, on voit le paysage, pas tout à fait, par exemple, les arbres, les montagnes, etc et c’est l’art abstrait. Quand on se focalise sur les arbres et les montagnes, c’est l’art figuratif.
COMPRENDRE L’ART ABSTRAIT
On ne peut pas comprendre comme il faut le fonctionnement de l’art sans comprendre notre perception sur des choses. L’art (la beauté) fait partie de bon fonctionnement de la nature, il est fondamental, par contre, ce n’est pas forcément le cas pour faire de l’art. L’art et faire de l’art, ce sont deux choses intuitives chez notre espèce. Cela dit, nous sommes tous des artistes de naissance. C’est formidable, mais cela ne veut pas dire que nous connaissons tous le fonctionnement de l’art.
Pour le connaître, la meilleure approche, c’est d’étudier la nature. Et avant toutes autres choses, il est important de se souvenir que nous faisons partie de la nature. Nous sommes faits de matière. Il sera un peu naïf, pour un artiste qui veut comprendre l’art, de penser que l’académisme, les « grands artistes », les « grandes œuvres » , l’histoire de l’art sont vraiment nos alliés pour comprendre la nature de l’art. Ce ne sont pas les éléments qui sont à la racine de notre art. Il est crucial de se retourner vers l’art préhistorique, l’art premier et tribal. Sinon, nous restons des techniciens d’un art superficiel avec une apparence « très profonde » et dépourvu de ses racines.

Je suis bien conscient qu’il est très difficile d’expliquer (voire peut-être comprendre) que même dans l’art, nous sommes toujours gouvernés principalement par notre animalité plutôt que notre humanité. Rien de mal à ça. Et ça ne veut pas dire que nous n’avons aucune sensibilité, aucune réflexion, etc. Par ailleurs, il ne s’agit pas de s’interroger sur la création individuelle, des motifs personnels, sociales pour lesquelles un artiste crée telle ou telle œuvre, mais de comprendre le fonctionnement, les origines des choses. Nous pouvons comprendre rien comme il faut sans comprendre les bases.
Tout est « fait » de matière dans l’Univers. Le cerveau est « fait » de matière aussi, et la pensée est une activité cérébrale. L’Univers, notamment la nature est une abstraction – ça veut pas dire évidemment qu’il est une pensée. La pensée, avant tout, est le reflet de l’Univers. Il n’y a pas de pensée sans environnement. Il n’y a pas de pensée qui soit spécifiquement abstraite, la pensée, elle-même est une abstraction.
Il n’y a pas de personne qui ne soit pas capable de panser de manière abstraite. Par ailleurs, la pensée, donc l’abstraction, n’est pas propre à l’Homme, touts les êtres-vivants dotés de cerveau sont capables de penser.
Une œuvre abstraite ne peut pas avoir un message, c’est le titre que lui donne cet air de porteur de message. De même, une œuvre abstraite ne peut pas avoir une histoire, donc il n’y a rien à comprendre, c’est le titre qui lui donne cet air de porteur d’histoire. L’art abstrait n’est pas destiné à la culture générale, à la logique, aux expériences personnelles et/ou sociales. Il est destiné à notre lien avec la nature, car il fait partie de la nature tout comme nous.
Un titre peut décrire la plupart des œuvres comme un roman, un film ou une chanson, etc. Jusqu’à là, ça reste fonctionnel, ça a une utilité, car il s’agit d’une histoire, c’est-à-dire, des éléments « figuratifs » et le titre sert à la résumer, à la représenter, même à attirer l’attention des amateurs d’art, etc.
Une œuvre d’art peut avoir de traces d’une sorte d’empreinte de son créateur, mais ça ne signifie pas qu’elle est lisible ni par le spectateur ni même par l’artiste lui-même. La première chose à savoir sur la création de l’art abstrait – un conseil – , c’est qu’elle est instinctive et intuitive. Cela dit, une œuvre d’art abstraite ne peut pas provoquer des émotions comme n’importe quel œuvre d’art. Pas de figure, donc pas d’histoire, pas d’histoire, donc il n’y a rien à comprendre.
On lui attribue un titre pour lui donner une « identité connaissable ». Ça ne fonctionne jamais, il n’y a rien de connaissable dans un art abstrait, si c’est connaissable, alors c’est parce que ce n’est pas une abstraction. Donner un titre à une œuvre abstraite, c’est d’essayer vainement de l’humaniser, alors qu’elle parle à notre nature, à notre animalité.
C’est une idée reçue qu’il y a quelque chose à tirer, à interpréter, à comprendre, à obtenir dans l’abstraction. Il n’y en a pas. Il y a deux éléments de base dans l’abstraction (pour la peinture) : la couleur et le mouvement (la forme est inévitable). C’est tout. Il n’y a rien à interpréter dans la couleur, de même, il n’y a rien à interpréter dans le mouvement. La couleur, c’est la couleur pour tout le monde (le fait que les couleurs ont des effets sur la physiologie ne signifie pas qu’elles racontent des histoires, ça signifie que nous ne sommes pas aussi humains que ça), et le mouvement, c’est le mouvement pour tout le monde.

Grotte de Bruniquel. » Cette structure organisée suggère que l’homme de Neanderthal avait dès cette époque un niveau d’organisation sociale plus complexe que ce que l’on pensait auparavant. En l’absence de traces d’autres activités humaines sur ce site, la destination et la signification des structures annulaires restent inconnues. » (Wikipedia)
Peu importe qui nous sommes, quel est notre niveau culturel, artistique, ces deux éléments sont généralement accueillis facilement par nos instincts. C’est tout. Une œuvre abstraite n’est pas un récit. Nous sommes tellement occupés par notre humanité à tel point que l’on oublie que nous ne sommes pas seulement des humains qui sont considérés souvent comme une créature dépourvue de nature.
C’est dommage qu’aucun vocabulaire est vraiment suffisant pour expliquer tout ça plus efficacement. Ni les couleurs, ni les mouvements, ni les formes ne peuvent pas nous faire penser, mais ils peuvent faire bouger des choses en nous. Et ce « nous », c’est un animal, pas un humain qui est le fruit de modernisme et qui « sait tout ». L’Univers est une abstraction, ce que nous faisons, ce n’est rien d’autre que l’imiter, et ça veut pas dire que l’on peut comprendre.
Lire Abstrait Natif.
Hakan Portakal 05/ 2024


